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Les heures silencieuses de Gaëlle Josse
À Deft, au XVIIème siècle, la vie des femmes est bien morne et celle de Magdalena ne fait pas exception. Fille aînée d’une famille sans garçon, son père lui apprit le commerce et l’emmena sur des bateaux. Mais elle ne put en faire son métier, ce dernier étant réservé aux hommes. Elle y rencontra cependant le beau et élégant Peter Van Beyeren qui devint son mari. Mais il reprit la charge de son père et devint administrateur de la compagnie des Indes orientales. Il partit alors pour de longs séjours en mer et elle resta seule à la maison, avec ses enfants.
Alors, elle décide de livrer sa vie à son journal intime, pour qu’elle lui pèse moins. Elle y partage ses joies, mais aussi ses douleurs de mère qui mit au monde nombre d’enfants qui moururent en bas age. Et confie la solitude et l’incompréhension qui règnent malgré l’affection dans un couple.
Avec beaucoup de pudeur, elle dévoile ses secrets et explique pourquoi elle a voulu se faire peindre de dos, sur le tableau. Car la femme sur la peinture, c’est elle, en train de jouer de l’épinette.
Mais dans ce carnet, elle livre également ses réflexions sur sa vie, ce qu’elle en a appris, les difficultés auxquelles elle a été confrontée et ce qu’elle en a retiré.
Elle s’interroge sur le droit qu’ont les hommes, comme va le faire son mari une fois, avant qu’elle ne le dissuade de recommencer, de transporter des esclaves pour aller travailler dans les plantations aux Amériques, alors que cela est interdit aux Pays-Bas.
Avec Les heures silencieuses, Gaëlle Josse nous offre un premier roman de qualité, à la fois original et très attachant.
Dans une très belle prose, et avec beaucoup de douceur, elle nous raconte la vie imaginée de cette femme peinte sur ce tableau en couverture, tout en soulevant des questions cruciales comme celle de l’esclavage ou de la place des femmes dans la société.
L’auteur qui s’est inspirée de cette peinture d’Emmanuel de Witte pour écrire son récit, nous livre un joli premier roman où elle mêle avec brio Histoire et vie intime.
Les heures silencieuses de Gaëlle Josse, 13 € aux éditions Autrement
Cet aveu m’apaise, car nous abritons en nous quantité de souvenirs et de réflexions ; il ne se trouve personne pour les entendre, et le cœur s’étouffe à les contenir.
Dans la joie comme dans la peine, la musique demeure notre compagne. Elle embellit ce qui peut l’être, et console, lorsque cela est possible. Mais de trop grandes peines, elle ne distrait point. La vraie tristesse s’accompagne de silence, mais c’est autre chose.
Je lui souhaite d’apprendre à se satisfaire de la vie, telle qu’elle est. C’est un long apprentissage, parfois bien amer, je le sais.
Les hommes ignorent le plus souvent ce qui se passe dans nos cœurs et dans nos corps ; ils comprennent mal qu’une mère aime sans raisonner, et toujours se tracasse de demain.
Mais la vie est ainsi, elle recèle quantité de portes secrètes dont on ne soupçonne point l’existence, tant que nul événement ne vient y frapper.

Catégories: Critiques, ★★★☆☆ - Bien · Tags: critique, livre