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J’étais garde du corps d’Hitler de Rochus Misch
Interviewé par Nicolas Bourcier, journaliste au Monde, ce livre est le récit de ces 5 années pendant lesquelles le jeune Rochus Misch fut l’un des gardes du corps personnels d’Hitler.
Au fil de ses souvenirs, il décrit à quoi ressemblait le quotidien à la chancellerie, ses allers-retours pour accompagner Hitler dans « la Tanière du loup », en Prusse-Orientale ou au « nid d’aigle », à Berchtesgaden jusqu’aux derniers moments dans le bunker. Car il est l’un des rares à avoir vu les corps d’Evan Braun et d’Hitler gisant, quelques heures seulement après s’être mariés.
Non partisan, non fasciste, l’auteur avoue n’avoir jamais voulu se mêler de la politique et avoir pris ce travail parce qu’il était bien rémunéré. En effet, ce dernier offrait de nombreux avantages, comme d’avoir le loyer de son appartement payé par la chancellerie ou de recevoir des caisses de grands crus lors de son mariage…
Malgré des détails parfois fastidieux ou des retours en arrière dans les dates, ce livre est doublement intéressant. Non seulement, parce qu’il raconte la vie d’Hitler pendant la guerre. Misch le décrit « comme donnant une image de père bienveillant ». Puis, on le voit « affalé dans un fauteuil, absorbé par la mélodie et les paroles d’une chanson » du ténor d’opéra Joseph Scmidt qui dut quitter l’Allemagne, en 1933 car il était juif et qui mourut dans un camp de réfugié en Suisse, en 1942.
Enfin, il raconte son renfermement sur lui-même, grandissant avec les années ; ne sortant presque plus de la chancellerie, passant presque toutes ses nuits sans dormir, demandant à ses employés de rester avec lui pour parler jusqu’au petit matin…
Mais parce que ce livre interroge également sur la notion de responsabilité et de culpabilité. L’auteur affirme haut et fort n’avoir jamais rien su de ce qui se passait dans les camps et ce qui était fait aux Juifs. Les historiens confirment en effet qu’Hitler n’en parlait qu’en privé, avec Himmler et sous forme de langage codé. De plus, jamais le Führer n’écrivait quoi que ce soit et les documents importants qu’il recevait étaient systématiquement détruits.
Mais cette dernière phrase illustre parfaitement toute l’ambiguïté du personnage : « Ma fille ne veut plus me voir pour des raisons qui m’échappent. Elle s’est retirée progressivement sans rien dire. »
Jusqu’au bout, Rochus Misch aura choisi de fermer les yeux… Peut-on être un monstre d’innocence ? Oui, il semblerait. D’un côté, cet homme n’a jamais tué qui que ce soit, de l’autre, il a protégé l’un des pires êtres humains de notre Histoire. Et a donc contribué à sa folie.
Selon lui, les 9 ans qu’il passa en captivité en URSS ont été son tribut à cette guerre. Et il choisira de terminer son récit en disant : « Je ne me sens pas coupable. J’ai fait mon travail sans blesser la moindre personne. Je n’ai pas tiré le moindre coup de feu pendant toute cette guerre. Je ne regrette rien. Dire le contraire ne serait pas honnête. J’ai fait mon devoir en tant que soldat comme des millions d’autres allemands. »
Morceaux choisis:
Toutefois la manière dont le Führer a brocardé Hess dans ses annonces, la façon dont il l’a fait passer pour un fou, un traître à l’Allemagne hitlérienne, alors qu’il n’était rien de tout cela, ne m’a rien fait. Il s’agissait selon moi d’une réaction purement politique de la part du Führer, une décision tactique prise en pleine tourmente. Elle ne me concernait pour ainsi dire pas. En tous cas, cette réaction à chaud et trompeuse n’a ni affecté ni altéré l’image que je m’étais faite d’Hitler au fil de ces premiers mois passés à ses côtés.
Hitler pouvait être autoritaire, parfois colérique, mais incapable, d’après ce que je pouvais observer à cette époque, de coup tordu ou de mensonge éhonté.
Le 20 janvier 1942 s’est tenue la conférence de Wansee, conférence secrète dirigée par le chef de la sécurité Reinhard Heydrich où fut décidé d’appliquer la « solution finale ». Je n’en ai rien su. Tout comme je n’ai entendu absolument aucune information concernant le nombre toujours plus important de Juifs déportés vers les camps de concentration de l’Est. Bien sûr, nous savions que les camps de concentration existaient, mais nous n’avions pas la possibilité d’apprendre ce qui s’y passait. On n’en parlait pas. Pas un mot. Le sujet était tabou entre nous, circonscrit à un tout petit cercle entourant le Führer. Je pense que si quelqu’un parmi nous avait su quelque chose, il nous en aurait parlé…. « » Encore aujourd’hui, il m’est très difficile de comprendre comment de tels massacres ont pu être perpétrés dans un tel secret.

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